Les troubles du comportement alimentaire : Quels autres symptômes du comportement peut-on leur associer ?
Publication de Marina Cavassilas, publié le 23 Juin 2021.
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Les troubles du comportement alimentaire relèvent-ils systématiquement d’une fixation au stade oral ?
La nourriture symbolise l’être (l’aliment) dont je me suis nourri = l’être (la personne) qui m’a nourri.
Statistiquement, cet être-là est la femme, autrefois ce put être la nourrice, aujourd’hui encore c’est majoritairement la mère et demain…nous verrons bien : le rôle nourricier au stade oral étant de plus en plus assumé par les pères.
L’être dont je me nourris – mère aimante, rassurante, absente, méchante, castratrice/ « privatrice » ou je ne sais quoi d’autre... (la liste est longue !) sera constitutif de mon moi car je vais l’introjecter au stade oral. En fusion avec sa mère, le bébé est *elle/Elle, il devient son prolongement narcissique. Le bébé est en quelque sorte « le double narcissique de la mère orale » avant qu’ait lieu la phase de dissociation (si elle a lieu car ce n’est pas toujours le cas lorsque la mère utilise son enfant comme « double narcissique » en le maintenant « bébé en fusion avec elle » toute sa vie durant).
La nourriture du stade oral est donc érotisée (zone érogène : bouche) : aliment et maman fusionnent et peuvent rimer avec : aimant, amant, méchant... La nature de la rime dépendra de l’image psychique du père ou du tiers qu’a la mère :
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Si le père bien que présent est exclu psychiquement par la mère, le bébé fusionnera avec maman en tant qu’amant.
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Si le père est haï par la mère, le bébé fusionnera avec maman en tant qu’amant haineux du père. Il ne le sait pas encore mais il est conditionné à haïr le père.
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Si le père est sincèrement aimé par la mère, le bébé fusionnera avec maman en tant qu’aimé/qu’aimant et aura plus de chance d’aimer le père à son tour.
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Etc.
Les comportements alimentaires au-delà du stade oral jusqu’à l’âge adulte sont donc le fruit d’une relation tripartite originelle très inconsciente car très archaïque. Le père/le tiers existe en tant qu’image psychique invisible dans la « tête de la mère ».
Les troubles majeurs du comportement alimentaire – l’anorexie et/ou la boulimie – symbolisent ce que bébé, j’ai ingurgité et joui de ma mère-aliment phallique (car à ce stade la mère (ainsi que le bébé) est phallique, toute-puissante).
Le point crucial est-il la place (exclusion, inclusion...) par la mère, du père ou tiers phallique dans son esprit? A ce moment précis du stade oral, la mère toute puissante, la mère phallique par excellence restera dans l’esprit du bébé puis de l’adulte qu’il deviendra :
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Une mère d’un futur pervers (ou aménagé pervers) : une mère totalement phallique, une mère-pénis, une mère qui aura pour toujours (volé) le pénis du père (donc de l’homme, du petit garçon...). Le pervers est un ancien « bébé-maman » totalement/éternellement phallique.
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Une mère d’un futur névrosé : une mère temporairement phallique, admettant de ne pas avoir le phallus pour toujours (elle et son bébé qui n’est que son double narcissique) et de pouvoir le donner et/ou le recevoir d’un autre qu’elle : le père, un tiers...
L’ANOREXIE ET SES AUTRES SYMPTOMES
Dans cette perspective, l’anorexie – infantile ou adulte – symbolise le refus d’être le « même que », ce fameux « double narcissique maternel » dans le cas où l’aliment-mère est ressenti trop mauvais par le bébé. La pulsion de vie ou d’autoconservation est contrariée, voire inversée en pulsion de mort (masochisme) : je ne peux pas me nourrir d’une « trop mauvaise mère », d’un « trop mauvais sein » car mon organisme a compris qu’il s’agissait d’un poison qui entraverait mon autoconservation. Autant ne pas manger plutôt que de m’empoisonner. Plutôt ne pas être que d’être/d’incorporer cette « trop mauvaise mère », cette femme dont je suis le phallus. L’anorexie serait le refus de n’être réduit(e) qu’à ce phallus/extension narcissique phallique grâce auquel la mère se ressent comme toute-puissante.
A la base, l’anorexie est finalement un signe du refus que ma mère continue de se prendre pour Dieu et de me prendre pour Dieu en tant que « double narcissique » dans le but unique de redorer la mauvaise estime qu’elle a d’elle-même. De ce point de vue, il semble difficile d’imaginer qu’un anorexique puisse être psychotique. Si la psychose est l’anti-symptôme de l’anorexique alors il semble logique que tous les autres symptômes associés à la névrose puissent devenir des symptômes associés à l’anorexie. Les symptômes phares étant l’angoisse, la culpabilité et donc la dépression. Tous sont reliés à un Surmoi masochiste très fort qui se traduira à travers différents symptômes « autopunitifs » = se faire du mal physiquement et/ou mentalement (automutilation, conduites risquées...). Dans tous les cas, et c’est sans doute pour cela que l’anorexie est un comportement typiquement féminin, le but est de ne pas s’identifier/ne pas être Elle (= ma mère, une femme, une mère) ou à Elle ou comme Elle.
Faire du mal au corps-femme : c’est faire du mal à Elle (supprimer les traits « ronds » du corps féminin, faire souffrir son corps (de femme), mutiler son sexe de femme, souffrir de son sexe de femme par maladies psychosomatiques : cystite, vaginite...), s’imposer des relation sexuelles masochistes/punitives peuvent être les autres symptômes majeurs de l’anorexie.
Le symptôme extrême, outre la mort à petit feu (crise cardiaque dû à un amaigrissement excessif), serait dans un premier l’aménorrhée puis le refus ou plutôt l’impossibilité de devenir mère (Elle) à son tour. Le pire pour une femme anorexique serait de contenir physiquement dans son ventre un enfant car cet enfant symbolisera pour l’anorexique, sa mère-aliment phallique : un monstre qui la dévorera de l’intérieur.
*elle : la mère particulière, Elle : la femme donc par extension une mère potentielle